Rencontre de Valenciennes le 17 décembre 2002 : le GPV du Faubourg de Cambrai et la participation des habitants

Date publication :vendredi 10 janvier 2003


Rencontre de Valenciennes le 17 décembre 2002 :
le GPV du Faubourg de Cambrai
et la participation des habitants

(Compte rendu rédigé par les participants à la rencontre et qui tient compte de remarques issues d’une relecture par la Ville de Valenciennes - 10 janvier 2003)

Généralités

Dans le cadre des réflexions menées par le Collectif inter-associatif sur le GPV de la Source et plus particulièrement sur la participation des habitants, il a paru utile de disposer d’éléments de comparaison avec les méthodes employées par d’autres municipalités également impliquées dans des GPV. Dans cette perspective, le cas de Valenciennes nous a paru intéressant.

Suite à la lecture d’un article sur les GPV de Valenciennes paru dans le Monde du 28 juin 2002, nous avons pris contact avec la mairie de Valenciennes et plus spécifiquement avec Arnaud Severin, animateur du GPV au sein des services de la ville et le principe d’une participation du Collectif à une réunion avec les habitants a été retenu et agréé par le Comité de pilotage du Collectif. Entre temps, A. Séverin nous a fait parvenir quelques compte-rendus de réunions antérieures.

Initialement prévue pour le 5 décembre, la réunion avec les habitants et, par voie de conséquence, la visite du Collectif ont été reportées au 17 décembre 2002. Ce changement de date n’étant pas compatible avec le calendrier de certaines associations qui s’étaient inscrites pour le 5 décembre, seules trois personnes ont pu se déplacer le 17 : Christiane Rousseau (Repères), Karim Baz (Escale) et Gérard Sustrac (Convergence).

La journée s’est déroulée en trois temps :

- réception à la mairie par Arnaud Séverin et Claude Dilly élu municipal et présentation de la stratégie GPV de la Ville, notamment pour le faubourg de Cambrai ;
- discussion au CAS du faubourg de Cambrai avec les associations impliquées dans le quartier (Association de défense des locataires et Association des usagers du centre social) et avec le président du Comité de quartier ;
- participation à l’atelier de travail urbain (ATU), instance de concertation avec les habitants.

Le GPV concerne 15 communes sur l’arrondissement de Valenciennes qui représente 350 000 personnes dont 40 000 à Valenciennes. C’est un GPV « éclaté », réparti sur plusieurs secteurs à l’intérieur des zones d’action retenues de Denain, Valenciennes, Corridor minier et Quiévrechain. Pour ce qui concerne Valenciennes, cinq secteurs GPV ont été identifiés : Dutemple, Faubourg de Lille, Faubourg de Cambrai, Saint-Waast - les Agglomérés et le Centre Ville (thématique : habitat privé dégradé). C’est ainsi que le Faubourg de Cambrai, objet de la visite du 17, fait partie d’un quartier plus large dénommé « Nungesser - La Briquette - Fb de Cambrai ». La Ville, par ailleurs, s’organise autour de 6 grands quartiers, auxquels correspondent 6 comités de quartier

Les secteurs donnant lieu à GPV correspondent à des concentrations d’ampleur moyenne (1000 à 2200 personnes) et à des secteurs d’habitat social dégradé à l’exception du centre ville où il s’agit d’une réhabilitation globale d’habitat privé.

Le GPV du faubourg de Cambrai

Le secteur du faubourg de Cambrai se situe à l’entrée sud de Valenciennes à proximité de l’avenue Pompidou (4 voies pénétrant dans le centre ville) et de l’autoroute A2 - E19 Cambrai - Bruxelles. Il s’étend sur environ 500 x 300 m selon une pente topographique orientée NW-SE. La partie haute du quartier comporte quatre barres représentant 138 logements ; les parties moyenne et basse comportent quelques équipements collectifs (école maternelle, ludothèque, centre social...), 54 maisons individuelles et un seul commerce (bar tabac). Tous les logements relèvent d’un bailleur unique : Partenord Habitat, OPAC départemental. Il n’y a pas de vacance de logement, pas plus que dans les autres secteurs de ce type à Valenciennes.

Les autres équipements collectifs se situent dans les quartiers limitrophes et en particulier : au nord, de l’autre côté de la voie Pompidou, un collège, une grande surface Auchan, un multiplex de salles de cinéma (à vocation régionale) et un bowling employant principalement des jeunes du quartier ; au sud, une école primaire et un autre centre commercial.

Malgré la dégradation du quartier, notamment des barres en fin de vie et des espaces publics, les quelque 1000 habitants sont très attachés à leur cadre de vie comme le montre l’enquête sociale qui a été réalisée.

Le projet de GPV s’est fixé trois objectifs :

- rompre avec l’enclavement des populations démunies en favorisant une véritable mixité sociale tant au niveau du quartier que de la ville ;
- garantir la réussite sociale de la restructuration du quartier en privilégiant la participation active des habitants ;
- recréer un quartier de ville dans sa globalité.

Afin de réaliser ces objectifs, il est prévu de démolir les quatre barres et de reconstruire des maisons de ville (en bande) et quelques petits collectifs en privilégiant la diversité des formes urbaines et la mixité sociale. Ces constructions, préalables aux démolitions, seront implantées sur une zone de réserve foncière située dans la partie sud. L’architecture retenue et les matériaux doivent aussi contribuer à redonner une image au quartier.

Il est également prévu de mettre en place une salle des fêtes commune avec le quartier voisin de la Briquette, d’aménager des espaces publics (parkings, espaces verts, protection contre le bruit de la voie Pompidou) et de mettre en place lieu de vie pour les jeunes en complément du centre social.

Ce lieu de vie correspond à un modèle mis en place dans divers quartiers de la ville. Ce modèle intègre différentes activités de sport et d’animation, permet l’accès des « jeunes » de 13 à 30 ans environ jusqu’à 22-23 heures (y compris samedi et dimanche). L’animation est dirigée par une jeune issu du quartier et formé par la mairie.

Les perspectives de réalisation sur le Faubourg de Cambrai ont été précédées de trois études pré-opérationnelles :

- une étude sociale : diagnostic et bilan social, enquête auprès des locataires des collectifs, protocole et plan de relogement ;
- une étude de programmation des équipements publics : évaluation des dysfonctionnements et besoins et définition d’un programme ;
- une étude de définition et de réalisation de la ZAC : diagnostic urbain, étude d’un plan d’aménagement détaillé, dossier de création et de réalisation de la ZAC.

En amont, un suivi social a également été mis en place avec la mise à disposition d’une assistante sociale du CCAS sur le quartier dont le rôle est d’informer le public sur les avancées du projet, de mettre en adéquation les attentes des familles avec le projet de reconstruction - démolition, de faciliter l’intervention des acteurs du GPV, de repérer les familles les plus en difficultés et de faciliter la mise en place d’un protocole de relogement.

Enfin, depuis mars 2002, l’Atelier de travail urbain (ATU) a été mis en place comme outil de coproduction avec les habitants. Il associe habitants, techniciens et élus au sein d’une même structure d’information, de concertation et de discussion sur les projets du quartier.

Atelier de travail urbain (ATU)

Cet atelier a pour ambition d’être un outil efficace de participation active des habitants tout au long de la réalisation du projet urbain. Sa mise en place correspond à un choix délibéré, dès le départ, de la ville, soutenue en cela par le Conseil régional ; l’ATU n’est pas un dispositif qui est venu se surimposer à une organisation préexistante. L’ATU peut prendre diverses formes : visite sur sites, débat sur une thématique, atelier de co-production sur un projet concret, voyage d’études extérieur (déplacement sur Bruxelles en juin 2002), travail sur la mémoire du quartier, exposition, communication des activités de l’atelier, etc. L’ATU est ouvert à tous, pour n’importe quelle réunion, sans inscription préalable. C’est un cadre où les habitants osent la prise de parole.

Autre choix fondamental, celui de confier à une équipe spécialisée, apportant neutralité et compétence pédagogique, le soin d’animer les réunions de l’ATU (en gros une réunion d’une demie journée par mois), de faire le lien d’une réunion à l’autre et de rédiger les compte-rendus de ces réunions, diffusés à tous les participants et habitants du secteur, après validation par la Ville.

L’intervention de ces professionnels permet une implication très effective des habitants en les mettant au centre du débat et en faisant qu’ils s’approprient les enjeux de la réhabilitation à toutes les échelles de travail. Cette intervention évite également aux élus de se mettre en première ligne et de monopoliser l’organisation du débat. Ceci vaut aussi pour les services de la ville qui n’interviennent que pour répondre sur tel ou tel point.

Dans un premier temps, il s’agit de sensibiliser les habitants au projet urbain au fur et à mesure que se déroulent les études de faisabilité dont les résultats alimentent les débats. Progressivement, avec l’avancement de la définition du projet de quartier, la concertation pourra être centrée sur des éléments identifiés du projet (parc urbain, place centrale, logements, etc.).

La réussite de l’ATU repose :

- sur la reconnaissance du rôle spécifique de chacun et de l’existence de l’ATU comme espace où les habitants apportent leurs compétences « d’usagers de la ville », les techniciens leurs compétences de concepteurs, et où les élus sont porteurs de la raison commune et décident en Conseil municipal ;
- sur l’engagement des élus à restituer aux habitants les décisions prises et la manière dont les attentes exprimées sont prises en compte ;
- sur la reconnaissance du rôle des « animateurs de l’ATU » chargés de faciliter et permettre la prise de parole, de vérifier la bonne compréhension de chacun, d’aider à exprimer et à faire remonter des attentes, d’enrichir le débat et de faire progresser chacun des participants dans le respect de l’autre.

L’équipe d’animation regroupe les deux structures avec lesquelles la Ville a signé un contrat : Periferia et Arpenteurs. Chaque réunion de l’ATU est ainsi animée par un tandem agissant en concertation étroite que ce soit en communication orale ou sur support écrit. Les références des deux structures partenaires sont données ci-dessous :

- Periferia (Développement urbain -Echanges Sud Nord) : 45 rue de Hollande, B.1060 Bruxelles. Tél /fax. 332 2544 07 93. E-mail. periferia@skynet.be Correspondant : Patrick Bodart.
- Arpenteurs : 9 place des Ecrins, 38600 Fontaine. Tél. 04 76 53 19 29. Fax. 04 76 53 16 78. E-mail. arpenteurs@free.fr Correspondante : Anne Cordier.

Le contrat d’animation de l’ATU est de deux ans ; il représente environ 45.000 euros pour une cinquantaine de journées d’intervention. Ensuite, la Ville souhaite s’appuyer sur les « animateurs de pratiques urbaines », issus d’une démarche de formation initiée par le Conseil régional.

Rencontre avec les associations agissant sur le quartier

A la réunion participaient les responsables des deux associations travaillant sur le quartier (Mme Belkacem, Association de défense des locataires, ADL, et Mme Carlier, Association des usagers du centre social), ainsi que le président du Comité de quartier, P. Morel, un habitant, pas un élu. A noter qu’il existe une association qui regroupe les six Comités de quartier.

L’ADL travaille en partenariat étroit avec le bailleur (Partenord Habitat). Les problèmes de l’habitat collectif, en particulier, remontent par l’association au directeur local de Partenord, plus haut si nécessaire. Selon le cas, le délégué de quartier, dont la zone de travail est plus large, fait aussi remonter l’information. Quoi qu’il en soit, les problèmes de l’habitat collectif sont classiques pour des barres construites en 1953.

Dans le cadre du projet de GPV, l’ADL s’est fortement impliquée dans la concertation avec les habitants et notamment pour déterminer ceux (la majorité) qui souhaitaient rester sur le quartier. L’association intervient aussi pour que des financements spéciaux viennent compenser les hausses consécutives au relogement ou que les habitants se familiarisent avec des dispositions nouvelles, par exemple le chauffage individuel et l’apprentissage d’une gestion économe. L’ADL intervient aussi comme médiateur auprès des locataires sur ce qui se dit à l’ATU, une instance où l’ADL s’exprime facilement.

L’Association des usagers du centre social réunit son bureau tous les mois ; tous les deux mois les usagers, habitants du quartier, participent. Au CA, outre l’association, participent la Ville, propriétaire des locaux et le Département qui contribue au financement des activités. Le personnel du Centre social comporte une directrice et quatre permanents. Le Centre fait partie d’un ensemble d’une dizaine de CAS de ce type autour du centre de Valenciennes.

La centre accueille une trentaine de jeunes jusqu’à 10-12 ans moyennant une carte d’adhésion familiale. Une petite participation supplémentaire permet d’accéder à la piscine de la ville. Les jeunes plus âgés disposent d’une salle où ils peuvent se rencontrer mais qui n’est pas équipée en jeux. Le centre ferme à 19 heures. Il est clair que la mise en place du lieu de vie devrait permettre d’élargir les activités et les horaires pour tous les âges.

Réunion de l’ATU

Cette réunion s’est tenue dans le CAS et a rassemblé 40-50 personnes dont les deux animateurs, trois membres des services de la ville, un représentant de la Direction départementale de l’équipement et deux élus. Après une présentation de chacun des participants, nous avons été invités à dire quelques mots sur l’objectif de notre déplacement.

Ensuite, on a d’abord évoqué des problèmes pratiques de diffusion du compte-rendu de la précédente séance, certains habitants se plaignant de ne pas l’avoir reçu. En fait, pour que chacun le reçoive, il faudrait un porte à porte intégral qui n’est pas toujours totalement assuré. A noter que le compte rendu est affiché à l’entrée du CAS.

L’essentiel de la discussion a porté sur les espaces verts et les aménagements extérieurs ; notamment autour de deux places du quartier, l’une au nord, l’autre au sud. Quelques exemples d’idées exprimées pour le secteur nord : un jardin central large plutôt qu’un parking, des terrasses pour marquer le relief de coteau, un chemin courbe au centre, une circulation sur 3 m, etc. Pour la place sud, le débat a porté sur la position du stationnement (en haut ou en bas ; le bac tabac militant pour le choix du bas, considéré comme essentiel pour son commerce), l’organisation en épi ou perpendiculaire des places de stationnement, la disposition des espaces verts, la place de l’aire de jeux...

Pour la réunion suivante, il a été proposé de débattre des thèmes suivants :
- sécurité entre les différents types de circulation (voitures, vélos, piétons) ;
- suivi des travaux au niveau des deux espaces publics discutés aujourd’hui ;
- maintien de la propreté du quartier ;
- éclairage et bancs publics.

Présenter ici le détail de ces sujets n’a pas d’importance en soi mais cela montre que le débat et l’implication des habitants se fait dans tous les aspects de l’aménagement du quartier. En fonction des conclusions de la journée, les services de l’urbanisme de la ville revoient les maquettes, plans et coupes présentés pour validation lors de la réunion suivante.

Conclusions

Bien que la Ville d’Orléans ait répondu négativement à la demande de fonds de concours sollicitée par le Collectif pour se rendre à Valenciennes et en dépit du changement de date, le déplacement à Valenciennes a été maintenu. Cette journée a été très instructive tant sur le plan de la stratégie GPV de la municipalité, que sur le rôle des associations et la participation des habitants et le présent compte-rendu s’efforce d’en témoigner.

On retiendra surtout les modalités de fonctionnement de l’ATU :

- tous les habitants qui le souhaitent peuvent venir aux réunions. Il n’y a pas d’inscription préalable mais ceux qui sont là signent une feuille de présence et la liste des participants, qui peut varier d’une réunion à l’autre, est reproduite dans le compte-rendu ;
- les réunions associent principalement des habitants auxquels se joignent quelques représentants des services de la Ville et quelques élus ;
- les présentations et débats sont organisés par les deux animateurs qui se relaient au niveau de l’animation verbale, l’un d’entre eux consignant par écrit sur un tableau les principaux points du débat ; la réunion n’est donc dirigée ni par les élus, ni par les services de la ville, ces derniers se limitant à apporter des précisions en cas de besoin ;
- les discussions rentrent dans le détail des sujets et conduisent à ajuster ou modifier les propositions initiales d’aménagement ;
- la participation des habitants est très concrète ; ceux qui sont présents relaient l’information auprès des autres habitants du quartier ; le compte-rendu de réunion facilite l’information de tous et le lien d’une réunion à l’autre.

En dépit de la différence d’échelle entre la Source et le faubourg de Cambrai, beaucoup de ces modalités de fonctionnement pourraient s’appliquer à la Source à condition d’accepter de revoir le dispositif actuel de concertation et en gardant en tête les axes stratégiques suivants :

- rechercher les bases adaptées (découpage géographique, choix des thèmes, périodicité et lieu des débats, etc.) en vue d’une implication effective des habitants des quartiers concernés ;
- réfléchir à une organisation différente des sujets traités dans la concertation en privilégiant une approche globale et non pas monothématique comme c’est le cas actuellement et en permettant la réflexion à différentes échelles de travail, éventuellement par secteurs, une voie possible pour mieux impliquer les habitants ;
- mandater des animateurs compétents (neutralité, sens pédagogique) pour gérer les réunions avec les habitants : ce ne sont ni les élus, ni les services techniques, ni les bureaux d’étude sous-traitants qui doivent jouer ce rôle ;
- demander à ces mêmes animateurs de rédiger les compte-rendus de réunions, qui devront ensuite être diffusés aussi largement que possible auprès des habitants et servir de lien d’une réunion à l’autre ;
- permettre aux associations de jouer un rôle effectif dans la concertation afin qu’elles puissent prendre leur part pleine et entière dans les débats. Dans le cas du faubourg de Cambrai c’est bien le cadre de concertation tel qu’il est organisé qui permet une participation effective des habitants.

On soulignera aussi l’importance du concept de « lieu de vie », accessible aux jeunes, y-compris en soirée et le week-end, comme une élément structurant fondamental du quartier, prioritaire par rapport à beaucoup d’autres aménagements et dont l’animation est confiée à un habitant du quartier formé à cet effet. Les tentatives réalisées sur la Source (Café de quartier animé par Convergence de 1993 à 1996 ou accueil des jeunes organisé par Escale deux soirs par semaine au foyer Horizon) allaient dans ce sens mais n’ont malheureusement pas perduré.

P.-S.

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Rencontre de Valenciennes le 17 décembre 2002
le GPV du Faubourg de Cambrai et la participation des habitants